La photo que j’ai prise dimanche après-midi de l’interview que donnait Jean-Luc Mélenchon en direct au JT de 13 heures TF1, a été reprise largement dans les médias. Même si l’ampleur de ce buzz me surprend un peu, il montre bien que le public a envie d’être informé sur les coulisses des médias.
Les circonstances étaient les suivantes : un peu avant 13 heures j’aperçois depuis ma fenêtre des militants du Front de Gauche (FdG) se regrouper en bas de chez moi. Je trouve cela curieux. Car au même moment des millions ou des milliers, selon les sources, d’autres sympathisants se trouvent déjà sur la place d’Italie, située 200 mètres plus loin et lieu du départ du cortège. A côté d’eux, je reconnais Jean-Luc Mélenchon, je prends donc une photo. J’allume la télévision et tombe sur l’image de TF1, le leader du Front de gauche y est en direct. Et l’image sur l’écran est un peu différente de ce que je vois depuis mon balcon. Il y a clairement une mise en scène. Je trouve le contraste amusant et intéressant, je décide de poster ces clichés sur Twitter.
Ce que j’ai voulu montrer : dans le même instant, deux points de vue différents peuvent donner une toute autre vérité. C’est finalement assez classique : en choisissant son angle on peut changer l’histoire. Il y a un storytelling, une mise en scène. Sauf que le public l’ignore ou peut-être il le sait mais il s’en est (trop) habitué. La large diffusion de la photo qui suit (où j’ai incrusté un peu plus tard la capture d’écran) montre peut-être que le public aimerait aussi voir l’envers du décor. A aucun moment, je n’ai voulu faire croire qu’il n’y avait personne à la manifestation. Sur les réseaux sociaux, j’ai vue que le cliché avait été aussi utilisé pour dire cela. Et notamment de la part des adversaires politiques de Mélenchon. Encore une fois, cela montre que l’on peut faire tout ce que l’on souhaite avec une image, lui faire dire ce que l’on veut. C’est le point de vue qui change une histoire.
Mélenchon aime taper sur les journalistes et dénonce régulièrement ‘les médias hypocrites’. En même temps il aime bien les utiliser quand ça l’arrange. Le Front de Gauche, bien fier d’être en direct avec Claire Chazal, twitte le même instant. Le parti a donc bien conscience du pouvoir des images. Probablement, c’est Mélenchon qui a pris l’initiative pour cette mise en scène. On peut le comprendre : un homme politique doit maîtriser son image. Sans savoir utiliser ou manipuler les médias, un politicien, quelle que soit sa couleur, n’ira malheureusement pas loin. Qu’il soigne cette image ou la mette en scène est donc logique. Chaque parti fait sans doute pareil, mais pas toujours sous mon balcon. Et tout à son honneur : dans l’émission du Grand Journal de 3 décembre il assume de faire de la communication politique : « Pas comme tout le monde, mieux que tout le monde ! »
Dans quelques instants, @JLMelenchon est sur #TF1. Nous live-tweeterons. #RévolutionFiscale #Bercy pic.twitter.com/jHCpm877DC
— Parti de Gauche (PG) (@LePG) December 1, 2013
Pourquoi TF1 a accepté de mettre en scène cette interview ? A mon avis, un journaliste ne peut et ne doit jamais accepter quelque consigne d’un politique. C’est à lui seul de préparer ses questions, et de décider du cadre. En réalité, la connivence entre la politique et les médias est souvent très grande, surtout en France. Dans le cas de dimanche, on peut même parler d’une véritable coproduction TF1/FdG, et c’est tout ce que j’ai voulu montrer ludiquement avec ma photo.
Dimanche, c’est tombé sur Mélenchon, mais ça aurait pu être Valls, Le Pen, Duflot ou n’importe quel autre personnage politique. S’il y a une leçon de déontologie à retenir de cette ‘affaire’ c’est peut être celle là : derrière un journaliste dans la rue, un balcon peut en cacher un autre. Hasard du calendrier : avec des confrères de l’association Europresse (dont je suis le vice-président) j’aurais dû déjeuner lundi avec Jean-Luc Mélenchon. Le rendez-vous était prévu depuis quelques semaines. Au dernier moment, l’invité annule et à l’heure où il aurait dû être à notre table, il fait une balade solitaire dans Paris et écrit un blog dans lequel il me définit comme ‘Un glandeur, un vrai !’. Le soir même, sur Canal+, je suis un ‘péquenaud‘ et une ‘caricature‘. Un Britannique dirait : It takes one to know one…
Un grand bravo pour votre photo et votre article qui explique très bien la vision de la communication et du journalisme selon M.Mélenchon. Le fameux coup de « l’arroseur arrosé ». En dénigrant comme il le fait le journalisme, il dénigre tout simplement la démocratie qui est bien branlante en ce moment. Bon courage à vous pour mener à bien votre travail dans ce contexte.