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Les journalistes qui se moquent de leur public, respecterons dimanche la règle sur la diffusion des estimations avant 20 heures. Les autres, ils feront leur travail.

Le débat autour de l’interdiction de la diffusion des estimations ou des résultats partiels du premier tour de la présidentielle dans l’Hexagone avant 20 heures ce dimanche devient un peu grotesque. Le préfet de police a mise en place ‘un dispositif […] permettant au parquet de Paris, en cas de violation de cette interdiction, de saisir immédiatement pour enquête la Brigade de Répression de la Délinquance à la Personne (BRDP)’, tandis que Nicolas Sarkozy a déclaré ‘ne pas être choqué en cas de publication à 18h30’. Tout cela ne change en rien mon avis. En tant que journaliste, je ferai fi de cette idiotie. Diffuser les estimations me semble une obligation civile, je vous explique pourquoi.

D’abord parce que ces informations n’appartiennent pas aux institutions. Ni aux politiques, ni aux médias d’ailleurs. Dans une démocratie, le vote est inaliénable. Divulguer les estimations des résultats est donc un droit, pas une faveur. Si le droit d’auteur, et donc le droit de communiquer existe, il appartient au peuple. Or, bien avant la fermeture des bureaux de vote, de nombreuses personnes connaitront déjà les premiers résultats : les partis politiques, les sondeurs et bien sûr, les médias. Un journaliste disposant des informations et refusant de les rendre publiques à cause d’une règle archaïque ne fait pas bien son métier. Il se moque du lecteur, de l’auditeur, du téléspectateur.

Et alors ?

Ensuite parce qu’il n’a jamais été démontré que la diffusion prématurée des résultats puisse réellement avoir des conséquences sur le résultat définitif. Et même si c’était le cas, j’ai envie de dire : et alors ? La raison pour laquelle quelqu’un décide d’aller voter ne peut, et ne doit jamais être prise en compte. Dans ce cas, on devrait interdire tout bêtement aux médias de parler de politique.

Voter ou ne pas voter, en France, le citoyen est libre de faire ce qu’il souhaite. Il peut très bien être influencé à 18h59 par une discussion avec son copain d’apéro, par une affiche ou tout simplement parce qu’en ce dimanche maussade, il s’ennuie et veut échapper à l’ambiance morose de son appart. Au final, le citoyen fait son choix en son âme et conscience dans l’intimité de l’isoloir. Pour quelle raison il vote, ne change rien.

Obligation professionnelle

Dès que je dispose des premières estimations, et après les avoir recoupées, je les rendrai donc publiques. Comme je l’ai fait en 2007, sur internet et à la télé. Je ne suis ni un irresponsable ni un ‘pirate de l’internet’. Je ne cherche pas non plus à semer la pagaille. Je fais juste mon métier.

Cette règle est basée sur la méfiance et la ‘méprisance’ de l’Etat vis à vis de ses citoyens. Elle devrait donc être abolie. En attendant, je risque cette amende de 75.000 euros. Une amende qui, en cas de condamnation, sera dans doute annulée par la Cour européenne des droits de l’homme.

Finalement, ce ne sont pas les informations qui menacent la démocratie ; ce sont ces institutions archaïques qui tentent de les encadrer.

A dimanche, 18h31 !

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