Le combat de David Cameron pour assommer Jean-Claude Juncker, l’ancien Premier ministre luxembourgeois et le candidat du Parti populaire européen (EPP) pour la présidence de la Commission européenne, devient de plus en plus méchant.
Le dernier argument du Premier ministre britannique ? Le fait que « M. Juncker n’a figuré sur aucun bulletin de vote ». Dans une tribune publiée ce vendredi dans plusieurs journaux européens (dont Le Monde, le Irish Times et la Süddeutsche Zeitung) Cameron « avertit » les Européens d’un « nous devons nous concentrer sur la recherche de la meilleure candidature possible ». Comprendre : n’importe qui, sauf Juncker.
‘Spitzenkandidat’
Si Angela Merkel soutient le chef de file de la droite européenne, d’autres dirigeants européens partagent les réticences britanniques. C’est notamment le cas du Premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt ou de son homologue néerlandais Mark Rutte. Mais eux se font plus discrets dans cette opposition. Ils se rendent soudainement compte que le concept du ‘Spitzenkandidat’ (le meilleur candidat pour succéder à Barroso à la présidence de la Commission, NDLR.) n’était pas une si bonne idée. David Cameron allant même jusqu’à parler d’un « non-sens » dans son texte « anti-Juncker ». Pourquoi ne pas l’avoir expliqué aux électeurs plus tôt, avant le scrutin européen par exemple, reste une énigme. Ce dont ils ont vraiment peur : voir le Parlement européen prendre plus de pouvoir.
Mais isolé dans ce combat « anti-Juncker », Cameron n’aurait pas d’autres choix que de se résoudre à l’idée d’un Juncker à la tête de la Commission. Selon les informations du Monde publiées ce samedi, « Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, envisagerait de proposer aux chefs d’Etat et de gouvernement d’adouber Juncker ». Les dés seraient jetés en quelque sorte.
Et en fait, que Jean-Claude Juncker n’ait jamais figuré sur un bulletin de vote n’est pas aussi grave que ne le prétend le Premier ministre britannique. D’ailleurs, lui non plus n’a jamais été candidat à un scrutin européen. Il n’était même pas sur les bulletins de vote britanniques, sauf sur celui de la circonscription de Witney, 78 220 électeurs inscrits. Bref, les Européens n’ont jamais pu voter pour lui non plus.
Pourtant David Cameron est aussi un leader européen. En tant que chef de gouvernement, il est membre du très influent mais opaque Conseil européen. Cette institution a beaucoup gagné en puissance avec la crise de l’euro. Toutes ses décisions sont prises derrière des portes closes. Lorsque les dirigeants dînent ensemble, la transparence ne se trouve pas au menu. Une certitude : pendant ces sommets, David Cameron décide lui aussi directement de certains aspects de la vie quotidienne des 508 millions de citoyens européens.
Mariée éphélide
En 2013, lors des dernières législatives au Luxembourg, Juncker a reçu 55 968 voix dans sa circonscription Sud, Cameron, lui, n’ayant séduit que 33 973 électeurs (58,8%) à Witney lors des dernières élections générales au Royaume-Uni, en 2010. C’est sans doute comparer des choux et des carottes. Mais si le vote populaire est un argument pour Cameron, Juncker a plus de légitimité démocratique en Europe que le Premier ministre britannique. Être ou ne pas être sur un bulletin de vote ne vous qualifie ni disqualifie pour être leader politique. Tout dépend du système ou des traditions d’un pays, d’une institution. Bonne chose ou pas, c’est une autre histoire. Mais dans ce cas précis, David Cameron se comporte comme un jeune marié qui, le lendemain de sa nuit de noces réalise qu’il n’aime pas les tâches de rousseurs sur le nez de son épouse. Au lieu d’invectiver haut et fort la jeune femme, il devrait faire preuve de caractère et annuler le mariage. Bonnement et simplement.
Photo David Cameron: bisgovuk / Foter / Creative Commons Attribution-NoDerivs 2.0 Generic (CC BY-ND 2.0)
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