La proposition de la ministre de l’Enseignement supérieur Geneviève Fioraso d’augmenter le nombre de cours en anglais dans les facs françaises a suscité de fortes émotions.
Rien de surprenant. Au XVe siècle déjà, les maîtres de la Sorbonne à Paris étaient furieux que les Anglais aient osé ouvrir des universités à Caen et à Bordeaux. Six siècles plus tard, le président de l’Université de la cité girondine s’appelle Dean Lewis. Ceux qui parlent anglais comprendront la double ironie de ce nom pas très français.* Ce débat n’a donc rien de nouveau, mais dans le contexte économique actuel, il pourrait avoir des conséquences négatives.
Mondialisation
Il faut souffrir d’un énorme complexe d’infériorité pour penser que davantage de cours professés dans la langue de Shakespeare éclipserait à terme celle de Victor Hugo. De fait, cette crainte est complètement irrationnelle. En Islande par exemple, pays avec à peine plus d’habitants que le 15e arrondissement de Paris, tout le monde maîtrise l’anglais. Pourtant, la langue islandaise est très vivante. Les Islandais s’arrachent la littérature nationale. C’est aussi le cas dans les pays scandinaves, les Pays-Bas et la Belgique (la Flandre plus précisément). Ici, les habitants ont depuis longtemps adopté l’anglais dans l’enseignement supérieur. Sans trop de complexe, sans que leurs propres langues n’en souffrent. Apprendre à parler l’anglais n’a donc rien de défaitiste. Bien au contraire : c’est mieux s’armer pour profiter pleinement de la mondialisation, tout en gardant sa propre culture. Par ailleurs, tous ces pays sus mentionnés ont un excédent sur le bilan commercial, là où le déficit de la France se creuse mois après mois. A vous d’en tirer vos propres conclusions.
[aesop_parallax img= »http://devries.fr/wp-content/uploads/2014/01/britishtea2.jpg » parallaxbg= »on » captionposition= »bottom-left » lightbox= »on » floater= »on » floaterposition= »left » floaterdirection= »up »]On peut donc être un fier francophone, tout en étant pragmatique et embrasser l’anglais comme la lingua franca. Dans le monde des entreprises, et de plus en plus dans le monde académique, entre un candidat qui maîtrise l’anglais et un autre qui ne le maîtrise pas, le choix est vite fait. Augmenter le nombre de cours en anglais à la fac est donc aussi multiplier les chances de trouver un emploi après ses études. C’est également une manière de rendre les universités françaises plus attractives aux yeux des étudiants étrangers. Il y a en effet beaucoup de jeunes talentueux qui aimeraient bien faire leurs études ici, si seulement le pays était un peu plus accueillant.
Multilinguisme
Il y a un dernier argument, et pas des moindres, qui plaide en faveur de l’enseignement en anglais (ou en toute autre langue d’ailleurs) : parler plusieurs langues ne vous donnera pas seulement un air intelligent, vous deviendrez réellement plus intelligent. De nombreuses études le montrent, le multilinguisme améliore les capacités cognitives et exécutives du cerveau, augmente la créativité et protège de la maladie d’Alzheimer.
Si même les Immortels dans leur tour d’ivoire de l’Académie ont, il y a quelques mois et ce pour la première fois de leur histoire, élu un Britannique parmi eux, il est temps d’assumer sans complexe le changement du monde.
*En anglais, le mot dean signifie recteur d’université
Cette tribune a été dans le quotidien La Croix.
Crédit photo : phatcontroller / Foter.com / CC BY-NC