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Le raisonnement français selon lequel n’est bon citoyen que celui qui paie ses impôts est purement populiste. C’est l’État français qui stimule même activement ‘l’optimisation’ fiscale.

Le ‘débat’ sur les impôts suite au changement d’adresse de Gérard Depardieu a suscité beaucoup de réactions de surprise en Europe.

En effet, le raisonnement français selon lequel n’est bon citoyen que celui qui paie ses impôts est perçu chez nos voisins comme purement populiste. Sans vouloir prendre la défense de Cyrano, ni le condamner, je dénonce avant tout l’énorme hypocrisie de la politique française sur ce sujet.

Prenons le député socialiste Yann Galut, par exemple. Il aimerait déchoir les exilés fiscaux de leur nationalité française. Il est peu probable qu’il ait visé son compagnon de parti, un certain Victorin Lurel. Ce monsieur est le député de la 4e circonscription de Guadeloupe dans laquelle se trouve l’idyllique Saint-Barth. Cette île est un paradis fiscal au sein même de la République. Etonnamment, qu’il soit le représentant d’un havre de paix financier, n’a pas constitué un obstacle pour le moraliste Jean-Marc Ayrault quand il l’a nommé ministre de l’Outre-Mer.

S’il était allé jusqu’au bout de son raisonnement, Galut ne serait pas vraiment un homme politique. Le bout du raisonnement ? Le voici : si on enlève la nationalité aux Français qui ne paient pas l’impôt, il faudrait en revanche l’offrir à tous ces résidents non-français qui en paient en France. Mais cette réciprocité logique toucherait sans doute à l’idée de la Nation, concept si cher aux Français. Lier nationalité et fiscalité n’est donc rien d’autre que national-populiste, un courant opportuniste défendu sans honte par des nombreux ministres et d’autres personnalités qui s’estiment du bon côté de la morale.

C’est justement outre-Quiévrain, du ‘mauvais’ côté de la morale, que Depardieu a choisi, en toute légalité, sa nouvelle domiciliation fiscale. ‘Scandaleux !’ ont réagi certains. Mais ce monstre cinématographique ne fait que suivre l’exemple donné par l’Etat français. En effet, le Benelux est la terre de prédilection de nombreuses entreprises de l’hexagone. Par le biais de l’Agence de Participation de l’État, de la Caisse des Dépôts et du tout récent Fonds Stratégique de l’Investissement (FSI), la France est actionnaire de ces entreprises, qui utilisent d’ingénieux montages aux Pays-Bas, en Belgique ou encore au Luxembourg. Ceux-ci leur permettent d’accumuler davantage de profits tout en leur évitant de payer certains impôts. Autrement dit : d’une part, le gouvernement s’attaque à des cas individuels en des termes peu louables comme ‘minable’ et ‘égoïste’, et d’autre part, il participe et stimule même activement ‘l’optimisation’ fiscale, en toute opacité et cela au détriment des finances publiques.

La seule manière d’en finir avec cet écart entre la morale et la pratique, serait l’harmonisation fiscale à l’échelle européenne. Petit hic : cette harmonisation mènerait sans doute à une baisse globale des impôts. Les États-membres en sont donc peu friands, même si leur discours fait croire le contraire.

«Il est juste de demander à ceux-là mêmes qui ont construit leur fortune dans notre cadre républicain et qui choisissent pour leur prospérité personnelle l’exil fiscal, le versement de leur dû fiscal à la France», avait osé ajouter le député Yann Galut. Au lieu d’attaquer Gérard Depardieu, le socialiste ferait mieux de se demander pourquoi l’Etat français lui-même fait fi de ce qui serait « juste ».

 

Tribune publiée dans La Croix, 28 décembre 2012

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